Les pesticides sont utilisés depuis des siècles puisque des traces de l’utilisation du soufre en tant qu’agent de fumigation sont retrouvées en Grèce Antique 1000 avant J.-C. Les pesticides connaissent un véritable essor grâce au développement de la chimie organique de synthèse à partir des années 30. la seconde moitié du XXème siècle, l’utilisation des pesticides s’est vu généralisée au niveau mondial, avec des variations quant aux types de pesticides utilisés [1]. Néanmoins, depuis une dizaine d’années, la consommation française de pesticides connaît une tendance à la baisse due au retrait de nombreuses molécules jugées dangereuses présentant un facteur de risque pour la santé [2] et due à la baisse d’efficacité des produits et de la prise de conscience progressive des impacts sanitaires et environnementaux que peuvent causer l’utilisation excessive des pesticides.
De nombreuses études montrent que l’exposition professionnelle à ces pesticides augmente de façon significative le risque de développement de pathologies telles que certains cancers et maladies neurodégénératives chez l’adulte [3] ou encore des maladies métaboliques en lien avec une exposition aux pesticides telles que le diabète de type 2, l’obésité et les complications hépatiques [4].
Les pesticides sont présents dans tous les secteurs, et le domaine cosmétique ne déroge pas à la règle. Les pesticides chimiques dits « traditionnels » sont des contaminants potentiels dans les produits cosmétiques présents sous forme de traces. En effet, leur origine peut être dû à la présence de substances issues de plantes comme des parfums ou des huiles essentielles, ou encore à partir des emballages biosourcés[5]. Les consommateurs craignent pour leur santé et sont de plus en plus confrontés aux études montrant l’impact et la présence des pesticides dans leur quotidien. Les biopesticides deviennent alors une des alternatives prometteuses aux pesticides chimiques grâce à leurs caractéristiques en termes de sécurité environnementale, leur efficacité et leurs faibles propriétés toxicologiques.
Le terme « pesticide » regroupe trois familles principales de produits : les insecticides, les fongicides et les herbicides. Outre la toxicité avérée sur la santé animale et humaine, les pesticides ont d’autres effets délétères entraînant une contamination globale des écosystèmes. Plus de 120 pesticides ont été identifiés comme perturbateurs endocriniens, bouleversant le système hormonal et la fécondité chez l’Homme ainsi que dans les milieux aquatiques. Ils sont responsables de la mort des sols agricoles en détruisant leur microflore et faune. Les champignons jouent un rôle capital dans le cycle de l’humus et leur destruction massive par les fongicides les dégradent fortement.
Sur une même culture, une association de plusieurs pesticides est majoritairement réalisée. Pour chaque pesticide, des limites maximales de résidus (LMR) sont toutefois définies afin de protéger un minimum la santé des consommateurs. Ces LMR sont basées sur les doses journalières admissibles [6].
À cause des nombreux problèmes rencontrés avec l’utilisation de pesticides chimiques tels que les effets néfastes sur la santé humaine, la contamination des sols et des eaux, la résistance aux insectes, la variation génétique des plantes, les résidus toxiques sur les aliments etc. il est important de trouver une alternative à ces pesticides de synthèse. L’objectif est de produire au maximum tout en diminuant les ressources naturelles et en protégeant les produits contre les pertes sans nuire à l’environnement. L’utilisation de biopesticides pourrait remplir cet objectif [7][8].
Les biopesticides sont des sous-classes compétitives aux pesticides, issus d’organismes vivants ou des composés naturels ayant comme fonction de réprimer la croissance ainsi que la prolifération de ravageurs, par divers mécanismes d’action [9]. Les produits considérés comme biopesticides sont d’origines diverses. Ils peuvent être distingués en 3 grandes catégories selon leur nature : les biopesticides microbiens, les biopesticides végétaux et les biopesticides animaux.
Cette catégorie comprend un grand nombre de micro-organismes tels que les bactéries, les champignons et les virus. Leur efficacité repose sur des substances actives dérivées de ces micro-organismes qui vont attaquer spécifiquement des espèces nuisibles ou des nématodes [10].
Les biopesticides à base de bactéries les plus commercialisés sont ceux à base de Bacillus thuringiensis. Cette bactérie à Gram + produit des protéines cristallines : des pro-toxines Cry. Celles-ci sont libérées dans l’environnement après lyse cellulaire lors de la phase de sporulation. Elles deviennent actives (toxiques) après ingestion par des insectes, comme les lépidoptères, les diptères et les larves de coléoptères, ce qui lui confère une action insecticide [11].
Bacillus subtilis est également utilisée et combine plusieurs modes d’action : concurrence pour les nutriments, production d’antibiotiques inhibant la croissance des pathogènes et induisant les résistances de la plante contre ces derniers [12]. Des bactéries d’autres genres ont également été développées en tant que biopesticides telle que la souche Pseudomonas chlororaphis qui est utilisée dans la prévention et le traitement de certains champignons de l’orge et de l’avoine en agissant par inhibition concurrentielle (spatiale ou nutritive) [13].
Des champignons peuvent également être utilisés en tant que biopesticides grâce à leur activité antagoniste aux ravageurs. Par exemple, plusieurs souches du champignon du genre Trichoderma spp. sont utilisés pour la protection biologique des plantes (activité antifongique contre plusieurs pathogènes) [14]. Trichoderma atroviride est un champignon filamenteux du sol utilisé pour la protection des vignes grâce à des mécanismes d’actions diverses : compétition pour les nutriments, antibiose et stimulation indirecte des défenses de la plante [15].
Les nématodes du genre Meloidogyne spp. sont les ravageurs les plus destructeurs en provoquant une perte totale de culture d’environ 10%. Ainsi, le champignon Paecilomyces lilacinus est un des produits alternatifs aux pesticides afin de lutter contre ces ravageurs. Il va pénétrer dans les œufs de nématode en sécrétant des enzymes, les protéases sérines, et diminuer le nombre de larves en les tuant (propriétés ovicides) [16].
Les virus peuvent également être utilisés comme biopesticides. Les Baculoviridae sont des virus à double brin qui infectent les arthropodes, insectes ou larves en les tuant en quelques jours seulement [17].
Les plantes produisent des substances actives qui sont des métabolites secondaires protégeant les plantes des herbivores, ayant des propriétés insecticides, aseptiques ou régulatrices de la croissance des plantes et des insectes. Le biopesticide végétal le plus utilisé est l’huile de Neem, extrait des graines d’Azadirachta et dont l’azarachtine, principal principe actif, possède la propriété de perturber la morphogénèse et le développement embryonnaire des insectes.
Une poudre aux propriétés insecticides extraite des fleurs du pyrèthre peut également agir comme biopesticide, dont les principes actifs attaquent le système nerveux de tous les insectes. Ces molécules sont cependant rapidement dégradées par la lumière et leurs homologues de synthèse sont alors plus stables. C’est aussi le cas de Quassia amara, un arbre d’Amérique qui possède une substance active nommée la quassine qui est un insecticide doté d’une faible toxicité pour l’Homme et les insectes utiles, un avantage que les insecticides chimiques n’ont pas.
Pour certains biopesticides, ce sont leurs propriétés physiques qui sont exploitées puisqu’ils ne possèdent aucune activité antiparasitaire intrinsèque. Par exemple, l’huile de colza est utilisée en ingrédient principal dans de nombreux biopesticides mais ne possède pourtant aucune activité antiparasitaire. Une fois aspergée sur les ravageurs, elle forme alors un voile huileux qui asphyxie ces derniers.
Il existe enfin des plantes à pesticides intégrés (PIPs) : ce sont des plantes génétiquement modifiées, capables de produire des substances actives afin de se protéger contre les ravageurs et virus. Les PIPs les plus connus sont des plants de pomme de terre, de maïs et de coton ayant la propriété de produire les protéines Cry. Néanmoins, ces PIPs, ou certaines lignées, sont interdites dans de nombreux pays de l’Union Européenne [18].
Cette catégorie comprend des animaux comme les prédateurs ou parasites, des molécules dérivées d’animaux comme certains venins ou des phéromones [18].
La coccinelle est l’insecte le plus connu utilisé en tant que biopesticide : elle est utilisée comme prédateur de la cochenille Icerya purchasi. Les acariens utilisent également la prédation pour se nourrir des insectes sur les plantes.
Les nématodes tels que Phasmarhabditis hermaphrodita sont utilisés pour la lutte des mollusques grâce à son activité parasitaire. Les nématodes juvéniles vont pénétrer dans leur hôte grâce aux cavités des coquilles, les larves vont se développer jusqu’au stade adulte puis se reproduire. L’hôte finit par mourir entre 4 et 21 jours après l’infection. Les nématodes vont continuer de se développer dans l’hôte puis se reproduire jusqu’à ce que ce dernier soit consommé en intégralité. La nouvelle génération va ainsi pouvoir trouver de nouveaux hôtes à parasiter [19].
Les biopesticides nommés « semio-chimiques » sont des signaux chimiques apparentés aux phéromones et changent le comportement des individus sur lesquels ils sont utilisés. Il s’agit d’une technique de confusion sexuelle afin de surveiller leur nombre. Ils ne sont pas considérés comme réels pesticides puisqu‘ils ne provoquent pas la mort des ravageurs, mais vont plutôt créer une confusion chez ces derniers, les empêchant de se propager dans la zone traitée [10].
Les biopesticides sont devenus une des alternatives prometteuses aux pesticides chimiques grâce à leurs caractéristiques en termes d’efficacité, de spécificité des cibles, de sécurité environnementale, à leurs faibles propriétés toxicologiques et à leur biodégradabilité avec peu voire aucune contamination après récolte [8]. Ils ont gagné en intérêt du fait de la demande croissante pour des aliments « Bio ».
Néanmoins, dans certains pays, la réglementation ne permet pas l’utilisation de tous les biopesticides, comme les PIPs. Avec une application plus large des biopesticides dans l’agriculture, la sécurité environnementale ne pourra être affectée que de manière bénéfique [20]. Les nombreux modes d’action contre des ravageurs ciblés limitent les chances de développement d’une résistance que l’on observe avec les pesticides chimiques. Également, la pollution, la consommation de produits chimiques après récolte dû à la bioaccumulation, les pertes de biodiversité, l’insurrection des ravageurs secondaires et l’élimination des ennemis naturels liés à l’utilisation des pesticides ne sont pas observés avec l’utilisation de biopesticides. Certains biopesticides microbiens possèdent aussi d’autres bénéfices en plus de leur rôle de protection. Les champignons du genre Trichoderma facilitent l’absorption des éléments nutritifs du sol par les plantes [21]. Certains micro-organismes ou rhizobactéries favorisent eux, la croissance des plantes et leur confère une tolérance au stress abiotique comme la sécheresse.
Certains avantages tels que la biodégradabilité rapide ou le mode d’action contre des ravageurs ciblés peuvent être considérés comme des inconvénients. En effet, ces deux avantages écologiques dont l’activité dépend du climat et de l’environnement rendent les biopesticides moins efficace que les pesticides chimiques. D’après la base du Système d’Intégration des Risques par Intégration des Scores pour les Pesticides (SIRIS) de l’INERIS, le temps de dégradation moyen dans le sol est de 39,38 jours alors que celui des biopesticides est de 6,49 jours. Cette vitesse rapide de biodégradabilité est un frein pour l’efficacité des biopesticides sur le long terme. La mise en place et l’efficacité des biopesticides se fait donc sur la durée contrairement aux pesticides chimiques dont l’action est immédiate [22]. Les biopesticides ne peuvent également pas complètement remplacer les pesticides chimiques notamment à cause des coûts élevés des produits commerciaux raffinés et leur incapacité à répondre à la demande du marché mondial [9].
La bactérie Bacillus thuringiensis (Bt), actuellement le biopesticide le plus utilisé en agriculture, pourrait d’après une étude de l’ANSES avoir un potentiel pathogène. Une étude montre que dans 8 à 20 % des intoxications alimentaires associées au genre Bacillus, Bt est impliquée et la majorité aurait une origine agricole. Néanmoins, une investigation plus poussée doit être faite afin de mieux comprendre le potentiel pathogène de ce biopesticide ainsi que la mise au point d’outils de surveillances spécifiques pour la traçabilité du Bt dans les aliments [24]. Les effets indésirables potentiels d’une exposition à long terme (toxicité chronique) ne sont pas connus. Des chercheurs du CNRS ont lancé une étude afin de déterminer si une inflammation induite de façon persistante par l’ingestion répétée de Bt via l’alimentation pourrait favoriser et/ou accélérer le développement de pathologies inflammatoires de l’intestin, voire des cancers [25]. Bien qu’il y ait une forte relation entre présence de cette bactérie dans l’intestin et développement d’inflammation, le lien de causalité reste encore à prouver.
Une autre controverse concerne le spinosad, biopesticide composé de spinosynes A et D. Il a été mis au point puis commercialisé dans les années 90 par Dow AgroSciences pour être utilisé comme agent de lutte contre les lépidoptères nuisibles dans le coton. Il s’est avéré être une alternative sûre dans les cultures de nombreux fruits et légumes [26]. En 2018, l’EFSA (European Food and Safety Authority) alerte cependant sur la dangerosité du spinosad avec une suspicion quant à des propriétés de perturbateurs endocriniens [27]. Plusieurs études ont prouvé que le spinosad était très toxique pour les abeilles mellifères. Il affecte également le comportement de recherche d’alimentation et induit des altérations transcriptionnelles des gènes métaboliques dans le cerveau des abeilles adultes à des concentrations sublétales [28]. En réalité lors des contrôles de LMR, ce sont les substances interdites qui sont investiguées en priorité. Au vu de la toxicité du spinosad, la Commission Européenne a alors décidé d’abaisser sa LMR pour certaines cultures dans le règlement 2022/1406 depuis le 28 février 2023.
De nouveaux pesticides se développent de plus en plus : les pesticides génétiques ou pesticides à ARN interférents (ARNi). Bien que les pesticides ARNi ne soient pas des biopesticides, ils restent néanmoins une alternative au pesticide de synthèse. Ils sont basés sur le processus de « silençage génétique ». Son objectif est de provoquer la mort de l’organisme ciblé en bloquant le produit de l’expression d’un gène indispensable à sa survie. Bien qu’ils soient présentés comme des solutions durables, précises et fiables ainsi qu’au service de la transition agroécologique, ces pesticides ARNi, diffusés par le biais de sprays, plantes OGM ou de micro-organismes, pourraient détruire un large spectre d’insectes non-ciblés, dont les insectes pollinisateurs qui sont indispensables dans la biodiversité.
Enfin, récemment, un rapport de l’ONG Pollinis (ONG de défense des abeilles et des pollinisateurs) a mis en lumière des risques importants liés à l’utilisation de ces pesticides génétiques, ou pesticides à ARN interférents et sont actuellement présentés comme une alternative aux pesticides de synthèses. Selon le rapport, la moitié de ces produits pourraient avoir des effets mortels sur 136 espèces de pollinisateurs différents. Malgré ces risques, leur mise sur le marché Européen est en pleine préparation, et plusieurs tests en plein champs ont déjà été effectués.
L’utilisation massive de pesticides chimiques pour répondre à la demande mondiale a engendré de nombreux problèmes notamment la pollution environnementale et l’apparition de résistance face aux pesticides. Les biopesticides représentent une alternative prometteuse aux pesticides chimiques et leurs utilisations ne font qu’accroître ces dernières années. Ces biopesticides ont diverses origines mais leur critère commun est qu’ils sont d’origine naturelle.
La grande diversité de ces biopesticides, ainsi que leurs nombres variés de modes d’action, leurs permettent d’agir tout en limitant le développement d’une résistance. Certains biopesticides possèdent également d’autres bénéfices tels que la favorisation de la croissance des plantes. Bien qu’ils soient moins efficaces que les pesticides chimiques sur le court terme et dépendant du climat et de l’environnement, ils présentent de nombreux avantages écologiques et une faible toxicité pour l’Homme. Néanmoins, cette toxicité n’est pas nulle, c’est le cas du spinosad par exemple.
Même si les biopesticides semblent être la meilleure option dans la lutte antiparasitaire, des recherches approfondies sur leur effet sur le long terme sont nécessaires. De plus, ils n’ont pas atteint leur potentiel maximal et des recherches sont encore à effectuer afin de démontrer leur capacité à lutter efficacement et économiquement contre les ravageurs [29].
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