Depuis plusieurs années, une prise de conscience générale poussant les produits naturels et écoresponsables sur le devant du marché est observée. En effet, davantage de consommateurs prennent en considération les répercussions possibles, d’ordre social ou environnemental, que peuvent avoir leur décision d’achats. Ils adoptent alors des comportements de consommation plus responsable dans un nombre varié de secteurs comme l’alimentation, le logement, le tourisme et également le secteur cosmétique. Les consommateurs, soucieux de ce qu’ils appliquent sur leur peau et leurs cheveux, choisissent des produits qui ont des effets positifs, à la fois sur leur santé et sur l’environnement.
L’incidence croissante des cancers de la peau et des effets néfastes des rayonnements ultraviolets (UV) ont entraîné une augmentation de l’utilisation d’agents de protection solaire, dans les cosmétiques [1]. En effet, davantage de produits, en plus des écrans solaires, affichent dans leur composition des agents dit SPF (Sun Protection Factor) permettant de bloquer les rayons UV [2][3]. Cependant, des études ont prouvé que certains des contaminants présents dans ces produits sont dangereux pour la santé et menacent fortement les environnements marins, notamment les récifs coraliens. Il devient alors nécessaire de trouver des alternatives sures et durables aux composés existants aujourd’hui. [4][5]
Les algues sont des végétaux sans racine ni feuille ni tige, capables de pratiquer la photosynthèse et vivant majoritairement en milieu aquatique. Apparues sur Terre avant les bactéries et traversant les ères, leur résistance pour survivre est incontestable, y compris dans des conditions des plus extrêmes. Par leur structure biochimique similaire, les algues et nos cellules ont une bio affinité qui assure une efficacité accrue en cosmétologie marine. [6]
En effet les algues peuvent s’adapter aux stress subis par la peau comme la déshydratation due aux marées, le vent, la cicatrisation ou encore l’exposition aux rayons UV.
Constituant l’une des plus riches ressources marines, les algues suscitent ainsi un intérêt considérable dans le domaine de la cosmétique. Elles sont considérées comme sûres et possèdent des effets de cytotoxicité négligeables sur l’homme. Alors, les composés dérivés des algues tolérant les rayonnements UV et agissant comme antioxydant, ouvrent un potentiel prometteur pour le secteur cosmétique. [7][8]
Les filtres UV aujourd’hui et leurs controverses
Au cours du dernier siècle, une variété d’agents protecteurs contre l’exposition aux UV a été développée. Les ingrédients actifs des écrans solaires sont donc divisés en deux types : les filtres organiques (chimiques) et les filtres inorganiques (physiques). Les filtres organiques, qui sont les plus couramment commercialisés, sont conçus pour absorber les UV A, les UV B ou les deux. En effet, ce sont des composés aromatiques qui absorbent les rayonnements UV de haute intensité. [2] Une combinaison des ingrédients chimiques suivants est généralement utilisée : oxybenzone (60% des écrans solaires en contiennent), avobenzone, octisalate, octocrylène, homosalate et octinoxate. [9] Les filtres inorganiques, quant à eux, comprennent le dioxyde de titane (TiO2 et l’oxyde de zinc (ZnO), et exercent une action mécanique en réfléchissant et réfractant les photons UV. [10] Cependant, plusieurs études mettent en doute la sécurité de certaines de ces substances, tant pour la santé humaine que pour l’impact qu’elles ont sur l’environnement.
Il est établi depuis longtemps que certains filtres organiques sont absorbés par la peau et passent dans le sang. Les scientifiques de la FDA ont alors rédigé un article portant sur quatre ingrédients présents dans les écrans solaires et pénétrant dans la peau, dont l’oxybenzone cité précédemment. [11] Ces études ont révélé que certains filtres UV organiques que l’on peut trouver même dans les écrans solaires utilisant des filtres UV inorganiques, sont soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens : des produits chimiques qui interfèrent avec les hormones. Mais aucune recherche sur les humains ne l’a confirmé. [12][13][14]
En plus des risques suspectés pour la santé, les filtres organiques représentent une réelle menace pour l’écologie marine. Jusqu’à 14 000 tonnes par an de crèmes solaires sont retrouvées dans les eaux de baignade et les récifs coralliens, avec des teneurs d’oxybenzone variant de 1 à 10%. [15] L’utilisation croissante de produits solaires suscite des inquiétudes et de nombreuses recherches portant sur leur bioaccumulation dans la flore et la faune aquatique ont été menées. Ces études ont identifié les filtres organiques dans presque toutes les sources d’eau du monde et dans diverses espèces de poissons, ce qui rappelle les conséquences possibles pour la chaîne alimentaire.
De plus, en laboratoire, il a été démontré que l’oxybenzone est spécifiquement impliquée dans le blanchiment des récifs coralliens. Une étude menée par l’équipe de William Mitch, chercheur à l’université Stanford aux États-Unis, a découvert comment ce type de filtre solaire se liait à des sucres et s’accumulait dans les tissus des coraux, notamment dans les algues symbiotiques. Les composés formés sont des photooxydants ; ils deviennent oxydants sous l’action du soleil, et sont donc nocifs pour les coraux. [16] Il convient de noter que, bien que ces risques soient signalés, une évaluation formelle des risques pour l’environnement, comme c’est fait pour les pesticides ou d’autres produits chimiques par exemple, n’a pas encore été réalisée. En mai 2018, Hawaii est devenu le premier état à interdire la vente de crèmes solaires en vente libre, contenant de l’oxybenzone et de l’octinoxate. La loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2021, dans le but de préserver les écosystèmes marins d’Hawaï. [17]
Les filtres organiques devenus donc controversés, les filtres UV inorganiques ou minéraux, l’oxyde de zinc (ZnO) et le dioxyde de titane (TiO2), sont devenus primordiaux dans les discussions sur la photoprotection. De par leur pénétration limitée dans la peau, les filtres minéraux représentent de faibles risques pour la santé et sont ainsi plus sûrs pour les personnes qui s’inquiètent de l’exposition à long terme aux ingrédients chimiques.
Les premières formulations d’écrans solaires contenant des filtres minéraux laissaient souvent un aspect blanc et collant sur la peau, ce qui était d’autant plus visible chez les personnes à la peau foncée. L’aspect cosmétique et la satisfaction des consommateurs ont alors encouragé de nouvelles formulations. [18]
Certains industriels ont donc pensé à transformer les filtres minéraux en nanoparticules, c’est-à-dire à une échelle dont la taille est 1000 fois inférieure à celle de l’original micrométrique. Cette modification élimine le problème et rend les crèmes avec ces filtres parfaitement transparentes. Cependant, l’utilisation de nanoparticules ouvre un nouveau chapitre de controverses et suspicions. En effet à cette échelle, la molécule pourrait être capable de s’introduire dans l’organisme et provoquer des dommages difficiles à détecter. [19][20]
Outre l’absorption cutanée potentielle des nanoparticules dans les écrans solaires, il est aussi important de prendre en compte l’absorption orale des nanoparticules dans les écrans solaires pour les lèvres et l’absorption des voies respiratoires dans les écrans solaires en aérosol. L’absorption des voies respiratoires est également une préoccupation pour les maquillages en poudre contenant des écrans solaires à base de TiO2 et de ZnO. Les problèmes potentiels de toxicité des nanoparticules dans les écrans solaires résultent de leur capacité à échapper aux mécanismes de défense immunologique, de leur capacité à former des complexes avec des protéines, et surtout, de leur capacité à induire la formation de radicaux libres. Leur diamètre plus petit et leur bioréactivité accrue font ainsi l’objet de nombreuses études toxicologiques in vitro et in vivo comme les études sur la peau animale et humaine, enquêtes sur la génotoxicité et la cytotoxicité potentielles, études d’espèces réactives de l’oxygène, pénétration, toxicité, cancérogenèse etc. [19][20][21]
Les conditions expérimentales de ces recherches diffèrent d’une étude à l’autre, mais la plupart des auteurs s’accordent à dire qu’il n’y a pas de pénétration des nanoparticules dans les couches viables de la peau. Cependant, ces études comportent plusieurs problèmes inhérents qui empêchent de conclure avec certitude que les particules nanométriques peuvent être utilisées sans danger dans les écrans solaires. [15]
Il existe actuellement une perception du grand public concernant les filtres UV minéraux qui pourraient être moins toxiques pour les coraux que les filtres organiques. [22] [23] Toutefois, le potentiel de ces composés à générer des espèces réactives de l’oxygène et à libérer des ions métalliques dans l’environnement aquatique, a été démontré dans plusieurs études, comme pouvant avoir des effets négatifs sur les organismes aquatiques. En effet, les résultats des études montrent que le ZnO et le TiO2 induisent une altération de la symbiose entre le corail et les zooxanthelles (algues symbiotiques) qui peut conduire à un blanchiment grave. [23][24]
Les algues comme nouvelle source de filtres UV
Les filtres UV naturels pourraient alors se présenter comme une alternative plus sûre aux filtres utilisés aujourd’hui. L’utilisation d’algues et de cyanobactéries comme source de nouvelles substances photoprotectrices est très intéressante. Les algues marines que l’on trouve sur les rivages et jusqu’à une profondeur de 150 m sont fortement exposées aux rayons ultraviolets (UV). Ces organismes utilisent la lumière du soleil pour générer de l’énergie dans le processus de photosynthèse mais un excès de lumière solaire crée tout de même des dommages. Pour faire face à ces photodommages, les algues se protègent en produisant des acides aminés de type mycosporine, des polysaccharides sulfatés, des caroténoïdes et des polyphénols qui des écrans solaires naturels. [25] Ces composés sont des antioxydants, qui protègent efficacement des rayons UV grâce à différents mécanismes :
Leur omniprésence dans une large gamme taxonomique et géographique confirme l’importance de ces composés en tant que composants naturels d’écrans aux UV. ne amplification de la concentration des MAAs associée à une augmentation du flux UV a été observée directement dans les organismes marins. Dans une étude menée sur les coraux de la Grande Barrière de Corail (Acropora spp.), il a été observé que la concentration de MAAs dans les algues à 20 m de profondeur était significativement plus faible que celle des algues des eaux à 10 m. [25][26]
Les polysaccharides sulfatés sont souvent présents dans les produits cosmétiques et de soins de la peau pour leurs activités antioxydantes, tonifiantes, nettoyantes, hydratantes et revitalisantes. Des effets photoprotecteurs de la carraghénane (polysaccharide sulfaté) sur les kératinocytes humains (HaCaT) induits par les UVB ont été récemment rapportés. Cette étude visait à évaluer le potentiel de la carraghénane dans la protection des cellules de la peau contre les effets nocifs des UVB puisque ce composé est déjà largement utilisé dans les cosmétiques.
Les résultats de cette recherche ont démontré que les quatre isomères de carraghénane étudiés ont été capables de protéger les cellules HaCaT de divers effets des UVB.[27][28]
Les caroténoïdes sont des pigments naturels à l’origine des colorations rouges, jaunes et orangées des fruits, des légumes, des fleurs et des algues. Il est bien établi que les caroténoïdes renforcent la résistance innée de la peau contre les coups de soleil induit par les UVB. Les résultats d’études in vitro et in vivo ainsi que des enquêtes épidémiologiques fournissent des preuves solides de l’activité photoprotectrice des caroténoïdes, qui est liée à leurs propriétés antioxydantes. Des suppléments de β-Carotène existent aujourd’hui comme gélules préparant la peau à l’exposition au soleil. Cependant, les études présentent des résultats contradictoires, ainsi le rôle des caroténoïdes dans la protection aux UV est encore quelque peu controversé. [29][30]
Les polyphénols ont des propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires et antinéoplasiques. Des preuves croissantes suggèrent que les polyphénols sous forme orale et topique peuvent fournir une protection contre les dommages causés par les UV et les coups de soleil, et sont donc bénéfiques pour la santé de la peau. Toutefois, les études actuelles sont limitées et des recherches supplémentaires sont nécessaires pour évaluer réellement l’efficacité, le mécanisme d’action et les effets secondaires potentiels des différentes formes et concentrations de polyphénols. [31]
Ainsi, il est logique de considérer les algues marines comme ressource clé, constituant une riche source de métabolites fonctionnels. Néanmoins, l’utilisation de ces métabolites soulève de nombreuses questions et challenges tant techniques que scientifiques. En effet, malgré des progrès dans la biologie moléculaire et dans les systèmes d’aquaculture, l’exploitation des algues restent tout de même un défi. Si l’utilisation d’algue semble être une option assurément plus respectueuse de l’environnement, pour l’économiste marin Miguel Quiroga, il existe une réelle inquiétude quant au fait que le recours à ces composés pourrait avoir un lourd impact sur l’environnement côtier et les communautés locales. Il prend en exemple les dégâts causés par l’explosion de la demande de produits base d’algues au début des années 2000, qui a eu une forte répercussion sur le littoral chilien. [32]
Une attention particulière doit donc être accordée aux impacts potentiels sur l’altération des habitats naturels. Mais à l’inverse, les impacts environnementaux de la culture des algues peuvent aussi avoir des effets bénéfiques sur l’augmentation des populations de poissons et d’invertébrés. Un équilibre doit être atteint entre la production d’algues et son coût environnemental. [33][34]
De plus, des déclarations de santé concernant des substances photo protectrices dérivées d’algues n’ont été rapportées seulement par des études in vitro et in vivo. Alors, des recherches complètes étudiant aussi bien le mode d’action, les conséquences biologiques et les effets secondaires possibles de ces composés doivent être menées pour considérer ces matériaux comme fonctionnels. [35] [36]
Des recherches sur l’utilisation des algues sous formes de nanoparticules ont également été menées et présentent toujours la question de la toxicité des nanoparticules pour les cellules eucaryotes. De ce fait, des études de stabilité, de compatibilité et de toxicologie doivent être envisagées afin d’évaluer le véritable potentiel commercial des algues pour la production industrielle de cosmétiques. [37][26]
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