La réglementation des produits hydro-alcooliques à destination cutanée by l’Institut Scientis
2 avril 2019
Que ce soit dans le métro, à l’hôpital, dans les crèches et autres collectivités, pour un usage professionnel ou strictement personnel, les produits hydro-alcooliques perdurent sur le marché.
A destination cutanée, ce ne sont cependant pas des produits cosmétiques au titre du règlement CE 1223/2009.
Éclaircissements de Corinne Benoliel, de l’INSTITUT SCIENTIS.
Télécharger l’article: La règlementation des biocides Institut Scientis 03.2019
Produits hydro-alcooliques (lotions, gels appelés communément GHA), gels lavants à activité antimicrobienne… tous sont destinés à être appliqués sur la peau, de façon plus ou moins fréquente.
Destination cutanée… donc produits cosmétiques ? …
C’est le premier réflexe, logique. Mais qui méconnaît l’existence du Règlement UE 528/2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides.
En effet, parmi les différents produits concernés par ce texte, le type de produits 1 désigne « les produits biocides utilisés pour l’hygiène humaine dans le but principal de désinfecter la peau ou le cuir chevelu ».
Les acteurs du débat
Les microorganismes
Infiniment petits et omniprésents, ils nous accompagnent tout au long de notre vie…
À la fois protecteurs et/ou pathogènes, parfois opportunistes d’un système immunitaire défaillant, ils respirent, se multiplient très rapidement et envahissent tout type de support inerte ou vivant. Naturellement présents dans notre environnement, ils peuvent donc générer, selon les cas et les contextes, des infections et maladies diverses.
La maîtrise de ces envahisseurs avec lesquelles nous cohabitons est notamment liée à des mesures d’hygiène élémentaires et à l’utilisation de produits biocides efficaces.
Les biocides
Pour lutter contre les microorganismes indésirables, les agents chimiques à activité antimicrobienne traversent leurs membranes, perturbent leur métabolisme et peuvent ainsi les inhiber ou les détruire. Pour les désinfectants on parle alors de pouvoir bactéricide, fongicide, levuricide et/ou virucide relatif à leur spectre d’activité.
Mais il est nécessaire de s’assurer que ces produits allient innocuité et efficacité. Ils sont ainsi souvent utilisés en synergie pour augmenter le pouvoir antimicrobien à des doses compatibles avec leur utilisation.
Les produits d’hygiène cutanée
On distingue :
- Les produits de nettoyage simple (Lotions, gels lavants non antimicrobiens) : ces produits sont des cosmétiques et ne sont pas concernés par la problématique de cet article.
- Les produits à activité antimicrobienne (Lotions, gels pour traitement hygiénique des mains, mais aussi gels hydro-alcooliques pour traitement par friction des mains) : ces produits ont pour double objectif de respecter le film hydrolipidique cutané et de prévenir les infections (élimination de la flore transitoire, réduction de la flore résidente). Et ce sont eux qui nous intéressent aujourd’hui.
Le cadre réglementaire
Des produits cosmétiques qui ne sont plus liés exclusivement à l’esthétique…
Des médicaments qui ne sont plus seuls à être reconnus comme étant des produits de santé… Les produits destinés à être appliqués sur la peau dans le but de la désinfecter sont donc des produits biocides à destination cutanée. Même si leur composition, leur mode d’utilisation peut prêter à confusion, il ne faut pas les qualifier de produits « frontières » d’un point de vue réglementaire.
Les produits hydro-alcooliques à destination cutanée sont des produits biocides et non des produits cosmétiques
Indépendamment des connaissances en chimie, biologie, microbiologie, galénique, toxicologie, physiologie cutanée…, mettre sur la marché un produit cosmétique ou un produit biocide nécessite de bien maîtriser les réglementations correspondantes.
Même si ces produits relèvent de la réglementation des produits biocides, il est également indispensable de tenir compte de la réglementation des produits cosmétiques.
Le Règlement cosmétique CE 1223/2009
Dans son article 2, ce Règlement pose la définition d’un produit cosmétique : « toute substance ou tout mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles. »
Cette définition précise le lieu d’application, à savoir une partie superficielle du corps humain, ainsi que le but poursuivi qui constituera une allégation cosmétique.
Aucun effet systémique du produit cosmétique ne doit résulter de son application afin qu’il reste bien distinct du médicament.
Dans le cas des produits destinés à l’hygiène humaine, la problématique n’est pas la frontière cosmétique/médicament, mais le lien cosmétique/biocide dont la différence est pleinement liée à l’importance de l’activité antimicrobienne.
Les produits en question ne sont pas des médicaments antiseptiques puisqu’ils n’agissent pas sur une peau lésée. Ils sont destinés à prévenir les infections sans posséder aucune allégation thérapeutique.
Pourquoi ne sont-ils pas des cosmétiques ?
Le Règlement cosmétique précise :
• qu’il ne vise que les produits cosmétiques et non les médicaments, dispositifs médicaux ou produits biocides, • que les «agents conservateurs» sont des substances antimicrobiennes qui sont exclusivement ou principalement destinées à empêcher le développement de micro-organismes dans le produit cosmétique (une liste des conservateurs admis dans les produits cosmétiques figure dans l’Annexe V),
Le Règlement biocides UE 528/2012
La réglementation des produits biocides a été créée pour répondre à un objectif principal, celui d’augmenter la protection de la santé et de l’environnement par une élimination progressive des substances et produits jugés comme les plus dangereux.
Dans son article 2, le Règlement actuellement en vigueur stipule : « On entend par produits biocides, les substances actives et les préparations contenant une ou plusieurs substances actives qui sont présentées sous la forme dans laquelle elles sont livrées à l’utilisateur, qui sont destinées à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre de toute autre manière, par une action chimique ou biologique.
Une liste exhaustive des vingt-deux types de produits, comprenant une série indicative de descriptions pour chaque type, figure à l’Annexe V ».
Les 22 « TP » sont répartis en 4 grandes familles dont les « TP1 » qui sont donc définis comme étant « les désinfectants pour l’hygiène humaine ».
Règlement Biocides, mode d’emploi
Les produits biocides sont soumis à une évaluation relative à leur dangerosité vis-à-vis de l’homme, des animaux et de l’environnement pour l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM).
Une attention particulière est également apportée à l’efficacité biocide revendiquée (tout comme les allégations de produits cosmétiques !).
Les principes du Règlement Biocides
• Toutes les substances actives biocides ont été étudiées ou sont encore en cours d’examen.
Certaines ont été désapprouvées et ne peuvent plus être incorporées dans les formules des produits biocides, d’autres ont été approuvées pour un ou plusieurs types de produits.
Ainsi l’éthanol d’un produit hydro-alcoolique est une substance active encore en cours d’examen.
L’isopropanol quant à lui a déjà été approuvé pour le TP1 : il peut donc être utilisé comme substance active dans les gels hydro-alcooliques.
• Dès approbation de la ou des substances actives biocides d’un produit, ce dernier doit faire l’objet d’un dossier de demande d’AMM, déposé auprès des autorités compétentes : l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) est l’autorité compétente pour la délivrance des AMM en France.
• pendant l’examen des substances actives, les produits les contenant sont en « période transitoire ».
Le programme d’évaluation des substances actives biocides est conséquent. Sans cesse repoussée, la date butoir est aujourd’hui fixée au 31 décembre 2024.
Pendant cette période, les produits peuvent donc être commercialisés sans AMM, mais en respectant les exigences relatives nationales : étiquetage…
Les obligations du metteur sur le marché de produits biocides en France
Le responsable de la mise sur le marché d’un produit biocide doit veiller à être en conformité avec les exigences suivantes :
• les substances biocides actives utilisées doivent être approuvées ou faire partie du programme d’examen tel que présenté dans le Règlement délégué UE 2017/698,
• les fournisseurs des substances actives doivent être inscrits sur la liste de l’article 95 du Règlement UE 528/2012
• l’étiquetage du produit doit être conforme à l’article 10 de l’arrêté du 19 mai 2004, • le produit doit être déclaré à l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) à des fins de toxicovigilance (déclaration Synapse),
• le produit doit également être déclaré sur Simmbad pour faciliter l’inventaire des produits biocides sur le marché français.
Et bien sûr, il ne faut pas négliger les réglementations parallèles telles que REACH et CLP qui ajoutent des contraintes réglementaires aux produits concernés.
L’efficacité des produits biocides L’ECHA a publié un guide pour déterminer l’efficacité des produits biocides. Il définit notamment pour les produits TP1 les essais à réaliser et les conditions expérimentales associées (microorganismes cibles ; domaine, site et mode d’application) pour soutenir les revendications antimicrobiennes des produits biocides.
Des exigences selon le Règlement cosmétique ?
Les produits biocides à destination cutanée sont aussi concernés par certaines exigences du Règlement cosmétique :
• les produits biocides ne doivent pas contenir de substances interdites dans les produits cosmétiques, • ils doivent également tenir compte des restrictions existantes pour certaines substances, par exemple les concentrations maximales des conservateurs.
Ces produits, hybrides entre biocide réglementaire et utilisation cutanée cosmétique, doivent allier innocuité et efficacité biocide, l’objectif principal devant être la protection de la santé publique.
Ainsi, effectuer une évaluation de la sécurité telle que celle à réaliser dans le cadre des produits cosmétiques reste tout à fait pertinent.
Corinne BENOLIEL
Docteur en pharmacie, experte microbiologiste et évaluatrice de la sécurité des produits cosmétiques
Pauline FERREIRA-THERET
Maître en microbiologie appliquée et génie biologique, chargée de projets scientifiques microbiologie/réglementation
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