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Les PFAS dans les produits cosmétiques : Comprendre leur impact sur la santé et l’environnement par EXPERTOX

Honorine ROBERT, Romane MABILOTTE, Lona GUILLEMIN, Dr Stephane PIRNAY

Introduction

Les substances per- et polyfluoroalkylées, également connues sous le nom de PFAS, sont une large famille de plus de 4700 composés chimiques hétérogènes aux propriétés amphipathiques et de stabilité exceptionnelle face à la dégradation chimique et thermique [1]. Ces substances contiennent toutes des liaisons carbone-fluor très stables avec au moins un groupe méthyle perfluoré (C-F3) ou un groupe méthylène perfluoré (C-F2). Elles varient selon le nombre de carbones qui les constituent : plus elles contiennent de carbone et plus elles seront persistantes dans l’environnement. Les sous-familles les plus connues sont le PFOA (acide perfluorooctanoïque) et le PFOS (sulfonate de perfluorooctane), ces derniers étant les plus persistants dans l’environnement [2].

 

Figure 1 : Structures chimiques du PFOA (A) et du PFOS (B) [3].

 

Les PFAS ne doivent pas être confondus avec les sels de fluorure inorganique solubles dans l’eau que sont le fluorure de sodium (NaF) ou le monofluorophosphate de sodium (Na2PO3F). Ces derniers sont notamment utilisés dans les dentifrices pour renforcer l’émail dentaire et ne rentrent pas dans la définition des per- et polyfluoroalkyles [4].

Ils sont utilisés depuis les années 1950 pour leurs propriétés antiadhésives, résistantes aux fortes chaleurs et imperméabilisantes. On les retrouve dans divers domaines industriels en raison de leurs propriétés hydrofuges et oléofuges et dans des produits de consommation, tels que dans les textiles, emballages alimentaires, poêles, mousses anti-incendie, revêtements antiadhésifs, produits phytosanitaires et produits de beauté [5].

Bien que les PFAS soient souvent associés à des produits industriels, ils peuvent être présents dans certains produits cosmétiques tels que les fonds de teint, les rouges à lèvres, les crèmes solaires et d’autres produits de maquillage. Les PFAS peuvent être utilisés afin de fournir au produit des propriétés de résistance à l’eau et à l’huile et majoritairement en tant qu’émulsifiant, agent antistatique, stabilisant, surfactant, filmogène ou encore viscosant.

Cependant, l’utilisation de ces substances dans les cosmétiques soulève de nombreuses préoccupations en matière de santé et d’environnement.

 

Réglementation des PFAS

L’utilisation des PFAS dans les cosmétiques et leur présence dans les matières premières comme les produits finis sont considérablement à prendre en compte. Des réglementations et des normes sont à appliquer pour les industriels afin de limiter leur présence au sein des produits cosmétiques.

A l’échelle internationale, la convention de Stockholm est un accord de 2001 qui vise à encadrer certains polluants organiques persistants et qui réglemente plusieurs composés de la famille des PFAS au niveau mondial. Ainsi, depuis 2009, le PFOS est restreint et depuis 2020, le PFOA est interdit à l’import, l’export et à la production [2]. Dernièrement, le 30 novembre 2023, les PFOA et PFOS ont été respectivement classées, par le Centre Internationale de Recherche sur le Cancer (CIRC), comme cancérogènes pour les humains et cancérogènes possibles.

Aux Etats-Unis, l’interdiction d’utiliser des PFAS concerne les substances ajoutées intentionnellement. Ainsi, les traces de substances sont tolérées.

En Europe, certains PFAS sont classés CMR au sein de la réglementation REACH et considérés comme toxiques pour la santé humaine.

De plus, la convention en droit européen sur les polluants organiques persistants a interdit sur le marché européen les PFAS suivants [6] :

  • L’acide perfluorooctanesulfonique (PFOS) et ses sels depuis 2009.
  • L’acide perfulorooctaoïque (PFOA) et ses sels depuis 2020.
  • L’acide perfluorohexanesulfonique (PFHxS) et ses sels en 2022.

Une notification sur l’acide perfluorohexanoïque (PFHxA) par la Commission Européenne prévoyant la modification du règlement REACH a également été abordée en juin 2023. Une adoption est prévue en 2026 et 2028, l’entrée en application. Elle se caractérise par une interdiction du PFHxA, de ses sels et des substances apparentées au-delà de 25 ppb pour la somme du PFHxA et de ses sels, et de 1000 ppb pour la somme des substances apparentées au PFHxA [7]. Le PFHxA est contenu dans les ingrédients sous forme de poudre mais également dans les produits de maquillage et protection solaire.

La réglementation des PFAS dans les cosmétiques est donc limitée. Il peut alors être difficile pour les consommateurs de savoir quels produits contiennent des PFAS et dans quelle mesure.

Leur nom INCI contient habituellement « PERFLUORO » mais certaines substances sont dépourvues de nom INCI et de numéro CAS. Actuellement, il n’existe ni de liste claire et exhaustive, ni de liste officielle des substances dites PFAS. Certains organismes ont dressé des listes dites de réflexion tels que l’OCDE avec une liste de 4700 substances considérées comme des PFAS mais également l’agence suédoise des produits chimiques KEMI, qui a établi une liste de noms INCI grâce au COSING [8].

 

Effets sur l’Homme

Les PFAS peuvent présenter, comme beaucoup de substances chimiques, un risque pour la santé. Il s’agit généralement de risques chroniques, c’est-à-dire liés à une exposition répétée et à long-terme [5]. Cependant, la réglementation de ces substances est de plus en plus ferme et l’impact potentiel des PFAS sur la santé doit être évalué.

Les dernières connaissances avancées par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) en 2020, indiquent un lien entre l’exposition aux PFAS et différents effets préoccupants sur la santé. Il a été démontré de potentiels effets sur le système immunitaire des enfants avec une moins bonne réponse aux vaccins ; une petite diminution du poids à la naissance mais également des taux élevés de cholestérol et des, perturbations de fonctionnement du foie ont été observées [5]. L’EFSA considère que la diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination constitue l’effet le plus critique pour la santé humaine [2].

Les composés constitutifs de la famille des PFAS ne représentent pas les mêmes niveaux de risques. L’EFSA a considéré que 4 PFAS devaient faire l’objet d’une attention particulière car contribuent le plus à l’exposition et aux risques pour la santé : PFOA, PFOS, PFHxS et PFNA (acide perfluoro-n-nonanoïque) [5].

D’autres effets ont été mis en évidence par des études toxicologiques réalisées sur animaux mais n’ont pas été prouvés chez l’Homme. Ces études indiquent que les PFAS peuvent être considérés comme perturbateurs endocriniens en induisant des dysfonctionnements de la thyroïde, tels que des hypothyroïdies, et de la fertilité. Il a été démontré un impact négatif sur le développement fœtal et une augmentation du taux de cholestérol en présence de ces composés également chez l’animal [9]. Une augmentation du risque de cancer tels que les cancers du rein ou des testicules a pu être mis en évidence lors de ces études in vivo [2][5].

Dans le cadre de l’étude nommée « Biomonitoring Humain Wallon (BMH-Wal) », un biomonitoring humain a été réalisé en Belgique sur l’exposition d’un panel de personnes aux PFAS. Il s’agit d’une étude évaluant la présence ou non de substances ou de leurs produits de dégradation dans le corps humain. L’analyse d’échantillons biologiques tels que le sang, l’urine ou les cheveux est réalisée lors de ces tests. Cela permet d’obtenir une estimation de l’exposition interne et globale des personnes aux substances [10].

8 PFAS ont alors été détectés dans le sang dont les PFOA et PFOS, qui sont les plus souvent retrouvés lors d’études de biomonitoring [11]. Le dosage des PFAS dans le sang reflète une exposition récente et sur le long terme selon les composés. Une fois absorbés par l’organisme, ces composés se lient aux protéines du sang et sont ensuite très peu éliminés. Chez l’Homme, il est estimé que les PFOA et PFOS peuvent rester dans l’organisme plusieurs années, avant d’être éliminés [9].

Concernant la voie cutanée, elle représente une voie d’exposition mineure à ces composés [12]. Cependant, par l’application de cosmétiques pouvant contenir des PFAS, que cela soit sur le long terme ou ponctuel, l’absorption cutanée est tout de même à prendre en compte comme voie d’exposition pertinente. Toutefois, la recherche sur les effets spécifiques des PFAS présents dans les cosmétiques est limitée.

 

Effets sur l’environnement

En raison de la liaison carbone-fluor extrêmement solide, les PFAS sont exceptionnellement stables et persistants, surnommés même les « Forever Chemicals » ou « Polluants Éternels » [2]. Ils sont très peu dégradables dans le temps et donc persistants dans le corps humain mais également dans l’environnement.

L’origine de la présence des PFAS dans l’environnement est uniquement anthropique, due à l’activité humaine. L’utilisation variée de ces composés, associée à leur grande stabilité et persistance, fait que tous les milieux peuvent être concernés tels que l’eau, l’air, les sols mais également la chaîne alimentaire [5] et peuvent contaminer les populations exposées.

 

Figure 2 : Illustration schématique des principales sources d’émissions des PFAS, de la distribution environnementale et des voies d’exposition pour l’Homme et les écosystèmes aquatiques et terrestres. Schéma modifié à partir de Panieri et al [1].

 

Le schéma ci-dessus expose la distribution des PFAS dans l’environnement. Ce phénomène implique de multiples voies de dispersions et d’expositions aboutissant aux récepteurs finaux, représentés par l’Homme et les écosystèmes aquatiques et terrestres.

Les processus de fabrication et d’utilisations industrielles ainsi que les activités de recyclage représentent les principales sources d’émissions des PFAS. D’autres sources indirectes sont présentes telles que la mise en décharge, les processus de volatilisation, de dépôt et de ruissellement ou encore des stations d’épuration des eaux usées, qui engendrent alors la redistribution des PFAS entre l’air, le sol, l’eau et les sédiments.

Des sources d’émissions atmosphériques sont également représentées par les installations industrielles utilisées pour le recyclage et l’incinération de produits contenant des PFAS qui, dans des conditions spécifiques, peuvent s’infiltrer dans les sols et pénétrer dans les eaux souterraines [13]. Cela peut avoir des effets néfastes sur les écosystèmes aquatiques et rendre l’eau impropre à la consommation humaine.

D’autres rejets peuvent provenir de l’utilisation et de l’élimination de produits de consommation tels que les cosmétiques, les produits de soins personnels, les textiles et les produits ménagers [1].

Ces voies contribuent ainsi conjointement à l’exposition à court et long terme des écosystèmes aquatiques et terrestres et de l’Homme aux PFAS. Une fois libérés, ces « Polluants Éternels » et leurs métabolites peuvent rester dans l’eau, le sol et les sédiments pendant de longues périodes et sont très mobiles. Ils peuvent être transportés sur de longues distances à travers l’air et l’eau et leur présence a même pu être détectée jusqu’en Arctique [11]. Cela contribue grandement à la contamination environnementale mais également aux risques que ces substances entrent dans la chaîne alimentaire par bioaccumulation.

En raison de ces préoccupations environnementales et de santé, il y a un intérêt croissant pour une réglementation stricte et la réduction de l’utilisation des PFAS dans divers produits de consommation et cosmétiques mais également dans les processus industriels. Les recherches se poursuivent également afin de mieux comprendre l’étendue de l’impact des PFAS sur l’environnement et les moyens permettant de remédier aux différentes contaminations.

 

Conclusion

Les PFAS comprennent des milliers de composés et sont largement utilisés dans de nombreux produits de consommation en raison de leurs propriétés hydrofuges, oléofuges et de résistance à la chaleur. Ils présentent également des propriétés très intéressantes lors de la formulation des produits cosmétiques.

Toutefois, des lacunes persistent dans les connaissances des effets des PFAS sur la santé humaine, notamment du fait de la grande diversité de molécules incluses dans ce groupe. De manière globale, une toxicité est avérée sur le système immunitaire et sur le foie, et suspectée sur le système endocrinien. Récemment, les PFOA et PFOS ont été classés respectivement comme cancérogène et cancérogène possible.

Les PFAS sont également préoccupants en raison de leurs effets sur l’environnement. Conçus pour une stabilité à long terme, les PFAS ne se décomposent pas facilement et sont difficiles à détruire, d’où leur surnom de « Polluants Eternels » dans les milieux environnementaux.

Il est important de rappeler que la recherche sur les PFAS dans les cosmétiques est en cours, et les connaissances sur les risques spécifiques associés à ces composés peuvent évoluer. Les consommateurs soucieux de leur santé peuvent choisir des produits cosmétiques sans PFAS ou consulter des organismes de réglementation et des sources fiables pour obtenir des informations actualisées sur les produits cosmétiques et leurs ingrédients.

Une interrogation sur la sécurité des consommateurs peut être soulevée concernant l’utilisation d’emballages de produits alimentaires ou cosmétiques. En effet, les PFAS sont connus pour leur présence ubiquitaire dans l’environnement et pourraient ainsi se retrouver dans les emballages lors des différents processus de fabrication ou de recyclage.

Une méthode analytique a été mise au point au sein du laboratoire afin de détecter et quantifier les substances toxiques potentielles qui pourraient migrer du produit vers l’emballage et inversement, tels que des bisphénols, phtalates et autres migrants à l’aide de la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS) [14]. La détection spécifiquement des PFAS s’effectue majoritairement par espace de tête (Head-space).

Optez également pour l’expertise de notre cabinet EXPERTOX pour évaluer avec précision les risques environnementaux et toxicologiques liés à vos produits et emballages, ainsi que pour le choix et le soutien de vos allégations environnementales associées.

*publirédactionnel

CONTACT

EXPERTOX – Cabinet d’expertises toxicologiques et Laboratoire d’analyses industrielles

83 rue Maurice Berteaux 95360 Montmagny

expertoxlab@gmail.com  – 09.81.07.85.03 – www.expertox.eu

 

 

 

 

Bibliographie

[1] Panieri E, Baralic K, Djukic-Cosic D, Buha Djordjevic A, Saso L. PFAS Molecules: A Major Concern for the Human Health and the Environment. Toxics. 2022; 10(2):44. https://doi.org/10.3390/toxics10020044.

[2] ANSES. PFAS : des substances chimiques dans le collimateur. 2022. https://www.anses.fr/fr/content/pfas-des-substances-chimiques-dans-le-collimateur. Consulté le 06/12/2023.

[3] Macheka-Tendenguwo LR, Olowoyo JO, Mugivhisa LL, Abafe OA. Per- and polyfluoroalkyl substances in human breast milk and current analytical methods. Environ Sci Pollut Res Int. 2018. doi: 10.1007/s11356-018-3483-z.

[4] PHAM Victoria, BONNET Pauline, Stéphane PIRNAY. EXPERTOX. Evaluation du risque des substances poly- et perfluoroalkylées dans les produits cosmétiques. COSMETICOBS. 2020.

[5] ARS. Mieux comprendre les PFAS, leurs effets, les textes applicables. 2023. https://www.auvergne-rhone-alpes.ars.sante.fr/mieux-comprendre-les-pfas-leurs-effets-les-textes-applicables. Consulté le 06/12/2023.

[6] Règlement (CE) n°850/2004 du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004.

[7] Notification par la Commission Européenne prévoyant la modification du règlement (UE) 2017/1000 de la commission du 13 juin 2017.

[8] OECD (2018). Toward a new comprehensive global database of per-and polyfluoroalkyl substances (PFASs): summary report on updating the OECD 2007 list of per-and polyfluoroalkyl substances (PFASs). Series on Risk Management No. 39.

[9] Portail Environnement-Santé – Wallonie. FICHE SUBSTANCE > PFAS http://environnement.sante.wallonie.be/files/document%20pdf/Biomonitoring%20wallon/Mise%20%C3%A0%20jour%202023/Fiche%20substance_PFAS_3.pdf. Consulté le 06/12/2023.

[10] Biomonitoring Humain Wallon (BMH-Wal). L’Environnement-Santé en Wallonie. http://environnement.sante.wallonie.be/biomonitoring-wallon. Consulté le 20/12/2023.

[11] HBM4EU (2019). Scoping documents : Perfluorinated substances (PFAS). https://www.hbm4eu.eu/wp-content/uploads/2019/03/HBM4EU_D4.9_Scoping_Documents_HBM4EU_priority_substances_v1.0-PFAS.pdf.

[12] Gouvernement du Canada. Fiche descriptive : Substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (SPFA).  https://gost.tpsgc-pwgsc.gc.ca/Contfs.aspx?ID=67&lang=fra#infoMenu3. Consulté le 06/12/2023.

[13] Hepburn, E.; Madden, C.; Szabo, D.; Coggan, T.L.; Clarke, B.; Currell, M. Contamination of groundwater with per- and polyfluoroalkyl substances (PFAS) from legacy landfills in an urban re-development precinct. Environ. Pollut. 2019, 248, 101–113.

[14] AGRON M, MABILOTTE R, GUILLAUME M, GUILLEMIN L, PIRNAY S. EXPERTOX. Content-container interactions for recycled/bio-sourced packaging. Annal. Fals. Exp. Chim. Tech. N°997. 2023.

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